Mahon

                                                                                                                                                   

Cala en Porter, la petite cité balnéaire où nous résidions, manquait d’authenticité. Par exemple, elle n’avait ni petit commerce alimentaire ni marché. Rien que deux moyennes surfaces pauvrement achalandées en produits frais.

    A Mahon le mardi  est jour de marché. Nous eûmes quelques difficultés à  reconnaître dans ce bâtiment grossier une halle propre à satisfaire notre goût d’exotisme et nos besoins en nourriture locale. Ce n’était pas vraiment le marché tel que nous le connaissions ailleurs en Espagne. Les étals n’étaient pas en pleine rue. Il manquait la foule et l’ambiance. Nous réussîmes cependant à acheter quelques fruits sympathiques et un peu de viande.

 

        

 

 

 

Mais impossible de trouver du poisson dans cet ensemble. Nous en avions une telle envie ! C’était quand même étonnant qu’un port comme Mahon ne possède pas au moins une poissonnerie.

  Las de tourner dans le bâtiment impersonnel nous ressortîmes et Aline se renseigna. La vente de produits de la mer était un peu plus bas. Nous n’avions pas soupçonné dans cette galerie vitrée et joliment aménagée l’existence d’un commerce dédié. Enfin, quelques coquillages, des crevettes et un poisson de la Méditerranée se retrouvèrent dans le panier de ma ménagère. L’ordinaire du jour s’annonçait plus typique.

J’ai pris cette photo du port à travers une vitre sale de la galerie. Tout Mahon est construit au bord de la mer et à  l’intérieur des terres. La situation géographique qui permet cette contradiction fut idéale à l’époque où la Méditerranée était plus un champ de bataille qu’un coin de paradis où installer des clubs de vacances. La mer pénètre la terre en créant un havre très protégé des intempéries et des attaques. Là, devait être créé un port, là fut décidée une capitale.

La photo montre le bras de mer entrant dans Mahon

 

C’est bien plus visible sur celle ci.

 

On se croirait au bord d’un lac. Pourtant c’est la mer. Ai-je assez insisté ?

Aline, toi qui voulait habiter une maison les pieds dans l’eau, je te vois locataire de cette bâtisse sur l’autre rive. T’imagines-tu allongée sur ta serviette en haut de l’escalier qui, le temps des vacances, ne serait qu’à nous ? Et moi nageant dans cette belle eau tranquille ? Bon ! Il existe sûrement ailleurs à Minorque des endroits bord de mer sinon aussi beaux du moins plus tranquilles. N’oublions pas que nous sommes au cœur d’une capitale.

 

 

Le centre de la ville tient tout entier dans cette descente vers le port. C’est là qu’il faut venir pour la comprendre. Instinctivement nous avons fait ce choix en nous attablant à une terrasse observatoire pour le cortado du matin qui accompagne toujours les courses en ville.

Au centre de la photo, les grandes et belles fenêtres de cette façade ne sont pas à proprement parler des bow-windows comme on peut en voir partout dans la ville. A celles là il manque l’encorbellement. Les autres sont importées d’Angleterre et sont comme là-bas destinées à laisser entrer plus de clarté et de chaleur solaire. Etonnant décalage par rapport au climat et saisissant le caractère  des anglais à conserver, où qu’ils soient et quoiqu’il arrive, leurs traditions et habitudes ! Mais l’Espagne a résisté à l’envahisseur. Le thé n’est pas servi à  la place du cortado.

La présence française à Minorque est insignifiante. Aucune trace si ce n’est peut être à Saint Louis, petite ville fondée par les français pendant leur période d’occupation de l’île entre 1756 et 1763. Nous ne sommes pas allés à Saint Louis. Par contre nous avons maintes fois emprunté la ME1 qui va de Mahon à Ciutadella et qui est parallèle à l’ancien cami de Kane reliant pour la première fois ces deux villes. Richard Kane était anglais, gouverneur de l’île après le débarquement d’Alcaufar en 1708. C’est lui qui améliora les voix de communication et fit de Mahon la capitale. J’essaye d’imaginer ce que serait devenue la Minorque du 21ième siècle si en 1802 Napoléon n’avait pas voulu par le traité d’Amiens la restituer à l’Espagne. Eût elle, comme la  Corse ou la Réunion, aussi bien résisté au développement touristique ? On est fier d’afficher partout ce label sibyllin de « réserve de la biosphère » et avec ça chaque touriste se croit à l’abri de l’envahissement de ses congénères. Ce n’est pas aussi simple et si les efforts de protection sont visibles, les dérives de cette belle idée le sont tout autant.  Comment l’urbanisation pourrait résister au charme des petites criques aux eaux cristallines ou au rêve merveilleux d’une baie abritée cerclée d’une plage de beau sable pur ? Voilà qui attire le monde et là où le monde va l’argent afflue.

 

Nous ne verrons pas de bow-windows. Je n’en ai pas photographié. Par contre j’ai aimé ce balcon aux marguerites.

 

J’ai aimé aussi cet arbre en pleine ville. Il est déjà haut, donc vieux, peut être planté par Richard Kane lui-même. Si c’était vrai, assurément il serait devenu l’emblème de Mahon et aurait été dessiné sur le drapeau de Minorque.

 

Je me suis livré à ce petit montage pour voir l’effet. Peut mieux faire !

Au passage remarquons que la bannière de Minorque s’inspire de celle d’Espagne. Les couleurs y sont mais il y a plus de bandes. Pour Majorque c’est pareil, sauf l’emblème. Si chacun dans son île s’amuse à composer son chiffon, je ne vois pas pourquoi, moi, je m’en priverais.

 

Puisque nous sommes dans les drapeaux, voici celui de l’Espagne. Celui photographié à Mahon s’est enrichi d’une inscription : ESPANA. Je vous le disais : Il n’y a pas que moi qui bricole les drapeaux. 

 

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