La mer

 

 

          

            

 

Cuba est une île. Cela n’a échappé à personne. Il y a donc lieu en la parcourant de s’intéresser à ses rivages ce qu’avait largement prévu notre tour opérateur.

            J’ai parlé du Malecon qui est une approche citadine. Sur cette photo c’est la côte sud entre Santiago et Baracoa. Pas de plage, ni palmier, rien que des cactus et des rochers qui interdisent l’approche de l’eau. Cette côte n’a qu’un seul attrait : c’est la couleur de l’eau. Quel bleu ! Décidément pour le bleu, Cuba développe une palette incomparable. Nous avons admiré les bleus naturels exceptionnellement bleus du ciel et de la mer et les bleus persiennes qui sont encore différents mais qui ont voulu s’en inspirer. Comment et pourquoi la mer se fait elle turquoise sous les tropiques ? J’aimerais bien que quelqu’un me l’explique. J’ai eu beau me plonger dedans à satiété rien ne m’en a indiqué la raison.

            Cette couleur intense, certes, fait rêver. Elle laisse dans les yeux et le cœur le souvenir d’un bien être excessif comme laisserait le passage d’une femme trop belle et trop possessive à qui manquerait cette parcelle de douceur présente dans la transparence des eaux de l’Atlantique sur les plages infinies de notre Aquitaine. Qu’on me pardonne ce propos jaloux et chauvin. Il n’a qu’un but : montrer la diversité des espaces marins et qu’un pouvoir, du moins je l’imagine : faire apprécier ce que l’on a près de chez soi à défaut de pouvoir plus souvent aller ailleurs, très loin de préférence, rejoindre des sites moins familiers et plus attirants par l’image qu’ils donnent d’un bonheur terrestre enfin accessible.

 

    

 

          Ce n’est pas pour me vanter mais cette photo de la baie de Santiago est assez réussie. Elle a tout. De la rondeur avec les collines, de l’horizontal avec l’horizon qui marque la communication de la baie avec le large, du vertical avec les mats, les antennes et les hampes, de l’oblique avec le quai, des bleus, des verts et du mouvement.

 

            C’est, à cet endroit privilégié, le restaurant où nous mangeâmes la langouste du programme. Quel régal que cette langouste là! Mais quand même en deçà  d’une semblable étape dans la baie de Salvador de Bahia au Brésil. C’était alors grillées sur la plage ! A force de trop voyager on devient exigeant. N’empêche ! Des langoustes comme ça sur le bassin d’Arcachon,  ce n’est guère qu’une fois par an au réveillon à condition d’accepter de casser sa tirelire.

    

 

 

         Là, ce n’est pas la mer mais la rivière Toa au nord de Baracoa. Faute d’un bain pourtant bien attirant nous fîmes sur l’eau un petit tour. La fraîcheur en moins et le fracas du moteur remplacé par le clapotis des rames, il me rappela cette descente de la rivière Haricana qui en d’autres lieux et d’autres temps nous émerveilla tout autant.

 

     

 

 

 

      C’est assez d’eau douce. Revenons à notre sujet maritime en nous rapprochant résolument des paillotes, du sable blanc et des palmiers sans qui un voyage sous les tropiques, qui plus est sur une île, ne serait pas un voyage sous les tropiques, qui plus est sur une île.

 

               Point de palmier à cet endroit idyllique mais ces arbres au tronc tourmenté et aux branches si basses que l’une d’elle m’attrapa le front alors que je me mettais pour ces dames en quête d’un transat. J’ai saigné légèrement sans m’en apercevoir aussitôt et commis l’impardonnable sacrilège de souiller de rouge sang l’onde turquoise de l’Atlantique. Ce souvenir désagréable s’inscrit à cet endroit de mon commentaire pour rappeler que le bonheur total n’existe pas pour autant quand on croit l’avoir atteint en ayant rassemblé autour de soi tout ce qu’il y a de plus beau, de plus reposant et de plus paradisiaque sur la planète. C’est, encore à nos dépends, une manifestation du péché originel. Maudite Eve !

 

            

        

              

      

 

 

 

                  Notre programme prévoyait une étape d’un jour et demi dans un hôtel grand  luxe en bord de mer, un hôtel « all include » comme disent les catalogues. L’expression est comprise du monde entier et précise que tout est payé d’avance. Le vacancier peut se lâcher sur les services gracieux et prévenants, les serviettes câlines, les reposoirs confortables, la nourriture abondante et riche, les cuba libre ou autres mojitos,  daïquiris,  presidentes tous plus savoureux les uns que les autres.  Et il ne s’en prive pas quitte à en ramener quelques désagréments. L’expression est comprise du monde entier à tel point que s'oublie le véritable nom de l’établissement  somptueux dont on peut voir quelques aspects sur ces photos. Il s’appelle Playa Pesquero. A retenir pour y réserver à nouveau une chambre.

 

        

         Dans le groupe il y  avait deux  poissons : Arnaud et moi aimant nous tremper dans n’importe quel trou d’eau minuscule ou au contraire infini, toujours profond et toujours chaud. Lui, c’était pour observer ses amis les poissons, moi pour le plaisir de nager comme mes amis les poissons.

            A l’hôtel de Baracoa il y avait une  piscine que nous laissâmes aux autres et en bas la mer avec une plage toute mignonne. Malgré l’heure tardive et un commencement d’obscurité Arnaud se baigna. Je doute qu’il vît ses amis. Quant à moi j’ai raté cette baignade à cause d’une bande de jeunes cubains qui s’intéressèrent à notre sort européen alors qu’Aline et moi nous rejoignions la mer en faisant une courte visite à la croix de Christophe Colomb dressée à l’endroit précis où, paraît-il, il aborda. Après les avoir informés la nuit me coupa l’envie du bain.

 

 

      

           

         Encore une fois je dois rendre hommage à Nini pour ses dons de prévenance. Comment avait-elle deviné qu’en cette chaude matinée les Thalès, las des visites culturelles et des heures de bus n’avaient plus que l’envie d’une pause roborative au bord d’un lagon ? Elle dénicha le lagon et quel lagon ! La mer avait pour nous revêtue sa couleur magique. Au bord il n’y avait personne pour nous gâcher ce plaisir divin de tranquillité si convoitée sur les rivages maritimes où qu’ils se trouvent. Tout autour de ces très grands bassins d’eau de mer communicant avec le large par un étroit passage et de ce fait abrités, emplis d’une eau limpide et apaisée, des petites plate-forme aménagées accueillaient les plagistes.

Nous étions arrivés Caleta Buena

 

           

Après de très nombreuses brasses vint le moment de la découverte. Les bassins étaient alimentés par la mer mais aussi par une rivière dans laquelle je m’avançais mi nageant, mi pataugeant. Tout ce que j’aime ; un régal. Une fois traversé un enchevêtrement de branches, j’atteignis un autre bassin beaucoup plus petit, beaucoup plus profond mais tout aussi limpide et tout aussi magique. Surprise ! L’eau était douce. J’étais seul, je me rêvais Robinson et me disais qu’en voyant mes photos prises de cet endroit si attachant personne du groupe n’aurait cru que nous étions du même voyage.

 

     

 

 

 

       Un lagon eût suffit. Non pas, Nini nous avait réservé une autre surprise : un cenote.

                   

 

     

Qu’est ce cela ? La résurgence d’une rivière souterraine comme on en trouve partout dans le monde. Mais là, il y avait surtout du fond et pour mon plus grand plaisir et celui d’Arnaud suffisamment d’espace liquide en surface pour ajouter un bain à cette journée magnifique. Deux photos prises de l’endroit, moi me baignant avec volupté et les poissons extraordinaires pour Arnaud. Est là tout le symbole de notre particularité puisque nous fûmes les seuls à nous plonger dans cette eau si belle.

Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde

Tu sillonnes gaîment  l’immensité profonde

Avec une indicible et mâle volupté…

 

 

           Ainsi, pour nous, Cuba a tutoyé la mer. Il n’aurait pas fallu que j’y reste plus longtemps : j’en serais devenu poisson. 

 

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