Une île française dans l'autre hémisphère

 

       

                 Quel est donc ce pouvoir d’attraction qu’a cette île française dans l’autre hémisphère ? Je vais tenter de l’identifier tout au long de ce compte-rendu en image de notre voyage à l’île de la Réunion.  Je crois qu’énumérer les particularités de ce morceau de planète volcanique est un bon commencement. Le volcan déjà. Ou plutôt les volcans caractérisent La Réunion. On se fait des îles lointaines, qu’elles soient perdues dans l’Océan Indien ou dans le Pacifique, une idée paradisiaque. Cocotiers et sable blanc. Bien que son sable ne soit pas si blanc, bien que ses cocotiers soient décoiffés par les cyclones, elle offre aussi au vacancier voyageur des havres idylliques. La Réunion a donc cela, mais elle a plus. Elle propose une nature exubérante et plurielle qui s’est installée au fil du temps, avec beaucoup de tendresse, sur les pentes et au creux des ravines façonnées par les volcans. Enfin ses escarpements sont si inouïs qu’ils invitent à la balade, quelque en soit la difficulté. Voilà sans doute l’essentiel de ses particularismes : la possibilité d’alternance entre le repos total le long des lagons paisibles et  la saine fatigue d’une randonnée au milieu de ses paysages authentiques et grandioses où une  végétation généreuse profite d’une alimentation en eau et d’un ensoleillement inépuisables. Les ingrédients de la vie y sont là bas rassemblés plus qu’ailleurs.

 

             C’est pourquoi j’avais envie de parcourir l’île de La Réunion. Sans trop de difficulté, je convainquis Aline de m’y accompagner. C’était il y a plus d’un an. A cette date, rappelons nous, le  chikungunya faisait fuir les touristes. Nous avions fui vers la Corse, île aussi française mais beaucoup plus proche et beaucoup moins infestée.

              En mai 2007 plus de moustique dans les médias, une éruption et un cyclone passés, nous partons pour 11h d’avion vers cette île française dans l’autre hémisphère.

 

              Quand on débarque de l’avion, très fatigué par une nuit quasiment blanche, on se pose tout de suite la question du dépaysement. Chaque région du monde qui n’est pas sa terre natale met ce trouble dans la tête du voyageur. Sa première motivation étant le changement, il ne faut pas qu’il s’en étonne. Le dépaysement est une part de sa satisfaction. Alors il tente immédiatement d’en évaluer le poids. Il se dit que la distance est un facteur aggravant ou que le changement de continent le projette inévitablement dans une culture à des années lumière de la sienne.

           Mais s’il ne change pas de nationalité, la question l’intrigue davantage.

           Tel était notre état d’esprit, le premier pas accompli sur le tarmac de l’aéroport Roland Garros à St Denis.

            En première approche l’Île étant la France, nous étions chez nous. Après avoir pris possession de la Pigeot il m’apparut que la signalisation routière était conforme. Mon code de la route allait pouvoir fonctionner. Au comptoir on m’avait parlé français. Alors à quoi servait d’avoir parcouru 10000 Km dans les airs ?  N’aurions nous pas ressenti les mêmes impressions en allant plus rapidement nous ressourcer quelque part autour de la maison ?

           Mais il y avait je ne sais quoi dans l’air et le ciel, entre odeurs et légèreté des nuages, entre température et lumière, je ne sais quoi dans le sourire et la mine des gens qui nous avaient accueillis, entre nuances du noir au blanc et accents créoles, je ne sais quoi dans la géographie du territoire aperçu à travers le hublot, entre mer et montagne, je ne sais quoi dans la topographie de St Denis, entre front de mer à l’européenne et matrice urbaine toute américaine qui faisaient que nous nous sentions dépaysés sans l’être. Ainsi serons-nous toute la durée de notre séjour. Beaucoup beaucoup de je ne sais quoi sympathiques nous ferons admettre que, bien qu’étant restés en France, nous avions franchi l’équateur et changé d’océan et qu’à l’inverse de la triste expérience du poète nous regagnerons la métropole l’esprit et le cœur charmés de tant de nouveautés.

Dites, qu'avez-vous vu ?« Nous avons vu des astres
Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ;
Et, malgré bien des chocs et d'imprévus désastres,
Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici.

 

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