IMERESE ET CEFALU
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Après les aventures du voyage qui nous avaient bien fatigués et après la bonne nuit qui nous avait reposés, c’était dimanche et commençaient vraiment les vacances en Sicile. J’ai vécu horriblement cette première matinée. Et, après avoir dit que les heures passées au lit, réveillé par l’ardente lumière du petit matin, étaient parmi les meilleures, j’ajoute qu’elles se prolongent de façon douce et sereine avec le rituel du petit déjeuner. C’est toujours, été comme hiver, un moment savoureux. Les sens, les muscles et l’esprit se libèrent doucement de l’engourdissement de la nuit. Le fumet et la bienfaisante chaleur du café au lait procurent un ravissement inégalé. Les conversations ne sont pas encore dans ces fureurs quand chacun tente d’imposer aux autres sa vision du monde. Exceptionnellement la première activité de la journée fut d’embarquer dans le Scenic, l’estomac vide, à la recherche du troquet le plus proche susceptible de nous servir le café au lait nécessaire à notre survie. Brutalement les sens, les muscles et l’esprit étaient mis à contribution. Chacun voulait trouver le meilleur endroit dans cette région inconnue. L’ambiance était dure et aux antipodes de la tranquillité habituelle d’un classique début de journée. Pire ! Sur une place de Casteldaccia l’établissement glauque où faute de mieux nous nous arrêtâmes ne su nous servir qu’un breuvage infect recroquevillé au fond d’une tasse sans âme aux parois douteuses. Il faudrait une bonne fois apprendre aux italiens comment se prépare un bon café. Je crois que j’ai commandé un croissant. Douteux lui aussi. A cause de ce petit déjeuner manqué, j’ai vécu horriblement cette première matinée.
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Sans nos maillots de bain, la plage nous était interdite. Pas question de se baigner nus : la Sicile est beaucoup plus prude que l’Espagne et ne tolère aucun abandon vestimentaire. Le top less n’y est pas non plus pratiqué. Nous étions donc en prospection pour une plage plus digne à essayer sans entrer dans la mer. A l’aéroport on nous avait donné un véhicule d’une classe supérieure : un Renault Scenic. C’était la compensation des deux heures passées à discuter la récupération des bagages. Ses bonnes roues et son bon moteur nous portèrent sur les bonnes routes de Sicile en évitant l’autoroute pour pouvoir accéder rapidement à la côte. Nous avons rejoint cette plage minuscule qui avait meilleure allure et qui n’était pas trop fréquentée. Quoiqu’en pensât Julie nous nous promîmes d’y revenir avec notre équipement de baignade. Nous n’y sommes jamais retournés et nous ne saurons jamais comment s’appelait cet endroit.
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Nous finîmes par arriver dans la petite ville d’Imerese Termini. Sans guide ni carte nous avons parcouru son centre à pied. Où étions-nous ? Aucun panneau ne nous avait avertis et quand on est un voyageur sans bagage on se contente de visiter les villes à l’aveuglette. Son église, par exemple, avait sûrement un intérêt particulier. Elle était fermée ce qui nous consola à peine.
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En revanche il y a à Imerese une très belle terrasse qui donne sur la mer. Bien sûr il faut oublier ces quelques cheminées d’usine qui troublent le paysage marin. Mais quoi ! La Sicile a des industries et où installer les entreprises sinon sur les bords de mer plus accessibles ?
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Certainement pas là haut !
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La terrasse d’Imerese fut l’occasion de notre première pause glace. C’était encore une consolation de ne pas avoir notre documentation touristique puisqu’aucun guide ne nous eût donné l’adresse de cette excellente gélateria qui, après toutes celles que nous avons fréquentées, se révéla être la meilleure. Du premier coup ! Sur la photo la gourmandise prend une forme assez classique.
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Sur cette autre photo voilà une variation étonnante du même plaisir : la glace à la brioche. Pour en avoir le cœur net ( le cornet ! ) nous devions nous donner un peu de courage et l’essayer. Aline inventa un jeu. Elle nous fit deviner ce que contenait un sac en tissu trouvé dans la maison. J’ai joué. J’ai trouvé qu’il était plein de pinces à linge et j’ai gagné le droit d’être le premier à goûter la glace à la brioche.
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Ca cale, mais que c’est bon ! En plus rien ne coule. Et pas de ramollissement de cornet qui conduit souvent à la catastrophe. Tout le monde m’a suivi et même Julie qui en retrouva son sourire.
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La « carriote » c’est pour Julie. Elle s’amusa beaucoup du ballet incessant de ces petits véhicules utilitaires
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Nous voici arrivés à Cefalu, ville dont le front de mer a des allures de Malecon. Après une pause désaltérante dans un bar ensablé de la plage nous avons suivi la foule pour nous retrouver dans les petites rues grouillantes de la vieille ville. Mais ce fut tout. Nous avons tout raté de Cefalu qui «sous ses airs paisibles de petite ville maritime, résume à elle seule toute l'histoire sicilienne ». C’est en tout cas ce que dit wikipédia qui ajoute que « la ville se dote de nombreux monuments et notamment de sa célèbre cathédrale, construite à partir de 1131 sur l’ordre du 1er roi normand de Sicile Roger II. » Je reviendrai sur les normands. Quand même, nous étions en progrès. Nous « visitions » une ville et nous savions que c’était Cefalu.
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Nous avons raté l’utile mais pas l’agréable. La promenade dans les ruelles et surtout le dîner au restaurant surplombant la mer en faisaient partie. C’est là que j’ai mangé de l’excellent carpaccio d’espadon et c’est de la terrasse que j’ai photographié ce coucher de soleil méditerranéen.
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Le ratage touristique de Cefalu ne semble pas affecter le moral de la mère ni celui de la fille.
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Quant à la petite-fille, la glace d’Imerese et le dauphin gonflé à l’hélium, pour lequel sa mère fit une première ponction dans son viatique, aidèrent à faire oublier une journée sans baignade qui fut d’ailleurs la seule de tout le séjour. Julie aime les animaux, surtout les chats et les dauphins. C’est pourquoi sa mamie avait aussi apporté un livre qui parle de ces poissons si familiers. Julie fut enchantée d’en apprendre autant durant les quelques longs trajets en voiture que nous eûmes à faire pour atteindre les sites de la côte sud de la Sicile. Par contre son poisson-ballon passa les vacances dans sa chambre collé au plafond. Un jour qu’il commençait à perdre de la vigueur, Julie accrocha sa ficelle au bouton de la gazinière. Une légère bise maritime soufflait doucement par la fenêtre ; elle s’amplifia et fit si bien qu’elle dénoua le lien et que le poisson pris son envol. Jamais on ne le revit. Qu’est-il devenu ? J’eus beau expliquer à Julie qu’il avait rejoint ses frères au fond de la mer, elle ne me croyait pas. Tant de mensonges comme celui là que je lui servis durant ces vacances ! Ce n’était pas méchant et juste pour stimuler la part de rêve que chacun porte en nous. Surtout les enfants, surtout moi. Tristement il y a fort à parier que le dauphin-ballon a fini crevé sur un bord de route au milieu des bouteilles plastiques, des papiers souillés et des animaux aplatis. C’est pas rigolo !
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