Les villes de Cuba
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Cienfuegos
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Avant d’arriver à Trinidad nous sommes passés par Sancti Spiritus. L’étape fut brève et je n’ai gardé aucun souvenir de cette ville, pas même photographique. C’est encore un inconvénient à ajouter au compte des voyages organisés. Un moment de distraction et ils se déroulent à notre insu ! Et avant de pénétrer dans Cienfuegos, l’incontournable détour par Santa-Clara nous montra la ville des exploits du Che et son mausolée. Rien de plus à dire sur ces deux villes. Par contre, il faut s’attarder davantage sur Cienfuegos qui est, à Cuba une ville étrange. Nichée au fond d’une baie, comme une cité suisse au bord de son lac, elle s’alanguit dans les couleurs acidulées de ses bâtiments alignés sagement le long de ses avenues et tout autour de ses places. La baie communique avec la mer par un étroit passage ; c’est pourquoi ses fureurs n’atteignent jamais la ville. Cette communication renouvelle les eaux et les purifie d’une pollution discrète pour permettre l’implantation des faubourgs. Le caractère paisible de la ville en est géographiquement dépendant. A Cienfuegos, deux pôles sont intéressants : le bord de la baie, d’une grande beauté naturelle préservée et au cœur de la ville la place Parque Marti immense et rectangulaire fermée par des bâtiments officiels tous plus beaux les uns que les autres et admirablement bien conservés. C’est rare à Cuba. Comme nous nous en étonnions auprès de Nini, elle eut à ce sujet une explication surprenante. Nous savons que l’entretien des bâtiments anciens réclame des fonds importants. D’où vient l’argent qui permet à Cienfuegos de paraître aussi neuve qu’au moment de sa fondation en 1819 par le bordelais Louis Laurent de Clouet ? « C’est le Maire, nous dit Nini, il s’est bien débrouillé » Bien débrouillé ? Avec qui ? Avec quoi ? Qui est ce personnage assez influant pour attirer dans sa ville les moyens importants de son embellissement ? Dans ce régime le jeu plus ou moins démocratique d’attribution des subventions d’état nous semblait exclu. Partout nous en avions eu la manifestation. Non ! Il y avait autre chose. Des intérêts privés sans doute. Jamais Nini ne voulut le reconnaître. Qu’eût elle risqué ?
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Catedral de la Purisima Concepcion. Une cathédrale ! Pour mériter ce titre on eût au moins fait l’effort de lui construire deux tours d’égale hauteur. Qu’importe ! Cette dissymétrie est un signe distinctif de plus qui donne à Parque Marti sa part d’originalité. Car la première impression d’ensemble si propre et si soignée pourrait paraître banale sans ces étonnantes singularités. |
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En voici une autre. Osée, inattendue la prouesse architecturale du belvédère du Palacio Ferrer ! La superposition des deux rotondes découpe dans l’azur un double poste d’observation comme une tour de guet bâtie pour « ma sœur Anne ». Elle n’eût mieux trouvé pour voir arriver les secours sous le soleil qui poudroie et l’herbe qui verdoie. J’ai trouvé à cet ensemble un air magique et enfantin imaginé par le plus coquin des architectes cubains. A moins qu’il ne fût français puisqu’à Cienfuegos nombre de constructions furent conçues par nos bâtisseurs. |
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Quoiqu’on fasse, même dans la moins cubaine des villes cubaines, l’image du Che apparaît toujours en haut d’une façade.
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Au retour de Cuba j’ai assisté à un concert au Grand Théâtre de Bordeaux. La matinée était consacrée à Schubert, sonate Arpegionne et La Jeune Fille et la Mort. Comme j’étais un peu fatigué pour écouter comme il se doit cette superbe musique, je laissais mon esprit vagabonder et mon regard se perdre dans les magnificences du théâtre. Bientôt le souvenir du téatro Tomas Terry à Cienfuegos revint et je me livrais au jeu des comparaisons. Tout sépare les deux édifices. Autant l’un est majestueux, autant l’autre est délicat. La belle pierre blonde d’un côté, l’utilisation du bois de l’autre produisent cette différence remarquable. A bordeaux la lumière naturelle ne pénètre jamais dans le théâtre. A Cienfuegos des ouvertures masquées par de jolies boiseries peuvent s’ouvrir. Alors le soleil illumine discrètement les tentures et les galeries. S’il lui fut donné de s’introduire c’était pour révéler, bien mieux que les projecteurs, la finesse de la décoration et le subtil mélange des couleurs dans lequel la pompe des dorures a laissé place à l’apaisement des pastels. Ecouter une pièce de théâtre ou un concert dans cet endroit ne prédispose pas de la même façon qu’à Bordeaux. Le décor met en condition l’auditeur et sa perception de l’œuvre écoutée s’en ressent. Par tous ses sens il capte une ambiance faite là de solennité de respect et d’admiration , là bas plus détendue, plus frondeuse, néanmoins recueillie. Dans ma distraction de Schubert, je me disais aussi que compositeurs, auteurs et producteurs devaient tenir compte de ces éléments pour écrire et programmer des spectacles. Quelle belle tâche que celle ci et combien elle mérite d’attention dès l’instant où le choix du lieu où elle s’accomplit conditionne si sûrement son succès !
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A notre arrivée le mignon Palacio Del Valle fut ouvert rien que pour nous. Le temps d’une étape nous devenions d’importants voyageurs attendus pour déjeuner avec tout le raffinement d’une réception orientale. Mais, si nous n’eûmes pas, simples touristes, la splendeur annoncée, nous profitâmes de la vue sur la baie, des arrangements mélodieux maintes fois rabâchés et démodés joués au piano par une vieille dame d’un autre siècle et d’un repas aussi conventionnel que tout ce que nous avions mangé jusqu’à présent à Cuba. Et nous dûmes attendre assez longtemps que le service daignât s’occuper de notre table. Qu’importait ! Nous n’étions pas pressés et le décor aussi séduisant que surprenant nous aida à supporter ces désagréments. Après le repas ce fut l’installation dans le très grand et luxueux hôtel Jagua. Cet établissement a été rénové grâce à des capitaux français qui ont pu, comme ailleurs à Cienfuegos, passer à travers la surveillance du régime. Pour nous dédommager d’une promenade en train annulée pour raisons liées aux défaillances de ce même régime, Nini nous amena vers l’embarcadère pour un petit tour dans la baie. Nous attendîmes. Le bateau ne vint jamais. Il nous resta ce bon Carlos qui nous conduisit en car jusqu’à Parque Marti. Je n’eus jamais à regretter ces changements continuels dans le programme. |
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C’est pris depuis les grands balcons de l’hôtel aux capitaux français. Quelle jolie presqu’île ! Et tout ce temps que nous avons gâché à attendre alors que s’y promener, et même se baigner dans la baie si bien aménagée, nous eût procuré un plaisir inouï ! Ah ! ces voyages organisés…
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En plus de nous avoir régalés, Cienfuegos nous avait intrigués. Nini fit les frais de notre étonnement en répondant tant bien que mal à nos questions indiscrètes. Elle nous avoua beaucoup aimer Cienfuegos mais que sa ville préférée restait La Havane, capitale de son pays et son lieu de résidence. Allons donc plus longuement visiter cette ville qui a fait et fait encore parler d’elle dans le monde entier.
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