'hôtel Cap Est Lagoon Resort & Spa est, comme une partie de son nom l'indique situé sur la côte est de la Martinique. Une autre partie nous dit qu'il est au bord du lagon. Quant au reste
il n'est là que pour donner de la classe à l'établissement et l'autoriser à afficher toutes ses étoiles, autant que de mots dans la composition de son nom sans compter l'esperluette
qui apporte aussi sa part de standing. Pour 9 jours seulement, l'hôtel Beaurivage n'aurait pu nous satisfaire.
Le Cap Est Lagoon Resort & Spa a beaucoup d'atouts : un cadre splendide arrangé avec soin et très bien entretenu, un service irréprochable, des infrastructures de qualité et luxueuses.
Mais, la perfection n'étant pas de ce monde, fût-il réduit à une île paradisiaque, il a aussi quelques inconvénients. Sa situation qui n'est pas idéale
au regard des rivages de Martinique que chacun imagine de sable blanc, de cocotiers et de baies abritées. Nous en étions loin et contraints de faire une longue route en voiture
pour atteindre les belles plages de la côte Caraïbes. Et le soir nous n'avions plus envie de la refaire pour aller dîner au restaurant.
Ce n'était vraiment pas la peine que je perde mon temps à essayer mes bermudas !
Au cap est, c'est le lagon avec ses eaux peu profondes et le vent de l'Atlantique.
Il nous a interdit les soirées sur la terrasse à déguster le traditionnel ti punch.
Nous occupions une suite en rez de chaussée, donc munie d'une piscine privée. Mais, 3m sur 4 c'est comme dans le lagon vraiment trop peu pour nager. Nous ne l'avons quasiment pas utilisée.
Dans la suite, au demeurant vaste et agréable, il n'y avait pas de coin cuisine. Il nous a manqué pour préparer et réchauffer quelques plats un peu plus élaborés
que le plateau de charcuterie façon Carrefour suivi d'une simple banane. Qui plus est, un vrai frigo eût été le bienvenu pour le doux tintinnabulement du glaçon dans le verre.
Et, pour continuer à larmoyer sur la misère humaine, je raconterais notre arrivée un peu trop chichiteuse à notre goût.
A cause du décalage horaire et de la fatigue du voyage comprenant surtout la dernière
ligne droite interminable, nous n'avions qu'une hâte, c'était de nous installer pour la nuit. Or, le réceptionniste un peu précieux commença par nous offrir une boisson et exigea de nous
le remplissage d'un formulaire. Puis, il s'occupa de récupérer nos bagages dans la Corsa pour nous amener à la chambre. Distrait, il avait oublié la clef. L'allant quérir, il se laissa
alpaguer par un couple d'anglais. Ces deux là, comme un présage à nos futurs ennuis avec l'Angleterre sur la Martinique, n'en finissaient pas de le retenir. Enfin, nous entrâmes dans nos
appartements. C'était une glacière !
Nous ne sommes pas venus jusqu'ici pour nous enfermer dans un frigo, ce que nous recherchons d'abord c'est la chaleur. Arrêtez moi cette maudite clim !
Le propos fut tenu
par Aline avec une telle force que le William s'exécuta en tremblant et regagna promtement son bureau. Nous ne l'avons jamais revu.
On vient plus à la Martinique pour la nature que pour la culture. Pourtant il s'y trouve des endroits où la présence humaine est remarquable, soit pour l'histoire comme le musée de la Pagerie, soit pour l'activité comme l'habitation Clément. Le temps n'étant pas au beau fixe, c'est cette dernière qui attira notre désœuvrement de touristes.
L'habitation Clément est une ancienne rhumerie. Qui ne connaît pas le rhum Clément ? Il se vend toujours mais n'est plus fabriqué à l'Habitation. Elle a été transformée en musée et accueille le visiteur en mettant un soin particulier à le renseigner sur l'activité tout en lui laissant parcourir le parc et les intallations qui sont très agréables à découvrir. Les bâtiments industriels ne sont pas laids et sont en bon état. Ils s'intègrent assez bien dans le paysage tropical.
Certains rouages sont maintenus en mouvement pour donner l'illusion de l'activité.
Si le drapeau américain flotte sur l'un des bâtiments de la rhumerie, c'est pour rappeler qu'ici eut lieu, le 14 mars 1991, une rencontre entre Georges Bush et François Mitterrand. Ensemble, ils burent du rhum, visitèrent la Martinique et, comme ils s'ennuyaient, s'occupèrent enfin de la guerre du Golfe qui de toute façon était terminée. Pourquoi les présidents n'auraient-ils pas eux aussi droit à passer des vacances dans l'un des plus beaux endroits de la planète ?
Les bordelais disent château
alors que les martiniquais parlent plutôt d'habitation.
Ils désignent ainsi le logement des propriétaires d'exploitation viticole chez nous,
sucrière aux Antilles; elles sont également cossues mais d'un style que tout oppose. Ici la pierre, là bas le bois. Là l'épaisseur des murs protège de la chaleur, ailleurs les ouvertures,
les terrasses, les avant-toits, l'agencement subtil des persiennes laissant passer ce qu'il faut de lumière, filtrant les rayons les plus ardents du soleil tandis que les alizés se faufilent
agréablement dans toutes les pièces, tempèrent les excès du climat, l'exploitent sans jamais le subir.
Et, comme chez nous bien souvent, deux grands arbres incitent de leur ombre bienfaisante à goûter la douceur d'une pause bourgeoise ou coloniale.
Bien du beau monde a fréquenté l'habitation Clément. Alain nous a poursuivi deux fois au début de notre séjour: la première à l'aéroport de Mérignac s'échappant du salon VIP pour un besoin naturel et photographié ici lors de son passage à la Martinique en 1992. Comme il est l'homme dont on parle, je ne pouvais le manquer.
L'annonce faite à Marie : Hervé Télémaque
Hélas ! pour vous, il sera trop tard pour profiter de l'information que je vous livre ici. Quand elle paraîtra l'exposition Télémaque aura quitté l'habitation Clément. Si cet artiste torturé
a été montré à cet endroit c'est parce qu'il était né à Haïti. Il s'inscrivait dans un cycle de présentations organisé par le Centre Pompidou destiné à mettre en valeur des talents locaux.
L'une de ses œuvres représente la scène de l'annonciation. Marie apparaît en triste état comme si la nouvelle que venait lui annoncer l'archange l'avait bouleversée
au point d'exploser en plusieurs points de la toile. Le visiteur qui veut l'identifier doit chercher de l'aide, seul il ne peut la reconstituer.
Qui a dit que la Martinique n'était pas culturelle ?
Ce n'est pas parce que nous sommes sur un site industriel qu'il ne faut pas s'intéresser à la flore
Rien ne vaut l'imagination enfantine pour trouver dans la géographie des ressemblances avec le monde animal. Ainsi Julie avait reconnu dans l'île la forme d'un hippocampe.
Il y en a bien une autre dans ce même archipel qui a les contours d'un papillon. Mais chut ! J'avais promis d'éviter les comparaisons...
Prout de mouette, avis de tempête !
Prout d'hippocampe, tout le monde décampe !
Cela ne paraît pas évident ? Cliquez sur la carte et vous verrez qu'elle n'a pas tout fait tort.
La presqu'île de la Caravelle, alors en serait la queue ? Si elle paraît s'étendre loin dans l'Atlantique, il faut peu de temps en voiture pour atteindre la pointe. Pourtant, nous ne poussâmes pas jusqu'à cette extrémité arrêtés dans notre élan par la déception du château Dubuc dont les portes ferment à 16 h 30. En Martinique la plupart des visites doivent se faire le matin. Il commence à faire nuit vers 18 h et les fonctionnaires prennent une belle marge pour ne pas se laisser surprendre. Tant pis pour les touristes imprévoyants ! A peine atterris à Aimé Césaire, nous n'avions pas la tête à nous préoccuper de ces détails, mal nous en prit à Dubuc et plus tard à la Pagerie. Malgré un départ très avancé qui nous avait été offert par le décalage horaire, le timing de notre première journée s'était étiré imperceptiblement. La pause déjeuner au restaurant la Yole à Robert, pourtant recommandé par le Michelin, eut raison de notre avance. Entre le moment où nous nous sommes attablés et l'arrivée du premier plat il s'était écoulé presque deux heures. A plusieurs reprises j'avais interpellé Danielle, la serveuse, pour qu'elle nous donne des nouvelles rassurantes de notre commande. Elle était mignonne et sympathique mais n'avait aucun sens de l'organisation. Ses collègues en cuisine avait sans doute les mêmes méthodes de travail sans grand souci des besoins d'une clientèle fraîchement débarquée de la si froide et si lointaine Europe et pressée de rejoindre une plage alors que le ciel s'était dégagé et qu'il ne pleuvait plus.
La plage de Tartane acheva de consommer notre capital temps. Qu'importait ! Ce n'était pas le moment de faire la fine bouche ni dans nos idées de bacler notre premier contact avec la mer pour un vague château dont nous n'avions d'ailleurs aucune connaissance.
J'ai beaucoup aimé la plage de Tartane. Elle fait partie de ces rivages intéressants parce qu'animés d'une vie simple et douce, peu fréquentés, paraissant immuables à l'abri des convoitises comme est ici cette baie protégée des fureurs de l'océan par la barrière de corail ou comme ailleurs à l'écart des vents du large derrière un escarpement rendant la côte propice à l'apaisement.
Paysage de la presqu'île.
Comme à 18 h il commençait à faire nuit, il fallait bien s'occuper jusqu'à l'heure du coucher. Dans une chambre d'hôtel, si luxeuse soit elle, il n'y pas grand chose à faire en soirée.
La télévision ? Nous la regardons si peu à la maison que l'idée de l'allumer ne nous est même pas venue. Internet sur la tablette ? Le WIFI de l'hôtel était si défaillant que nous ne pouvions
aller plus loin que la consultation des mails. Alors quoi ? La lecture, le jeu de carte, le dîner. Le repas du soir n'avait besoin d'aucune autre préparation que le déballage
des provisions. Pour l'agrémenter Julie s'amusait à faire le service comme si nous étions attablés dans un grand restaurant.
Vous désirez un apéritif ?
dit Julie qui avait étudié la géographie et la gastronomie de La Martinique.
- Oui, deux Ti punch s'il vous plaît.
- Et pour manger ? Nous avons du poisson, merlin, vivaneau, espadon. Ou un plateau de charcuterie si vous préférez, salami du Prêcheur, saucisse de Base Pointe, andouille de Tartane,
vous m'en direz des nouvelles,
- Pour moi ce sera un peu d'espadon.
- Ah ! je vais voir en cuisine si nous en avons... Nous n'avons plus de poisson.
- Alors plateau de charcuterie.
- Pour dessert nous pouvons vous proposer banane ou mangue.
- Mangue, s'il vous plaît mademoiselle.
- Moi aussi, s'il vous plaît.
- Il ne me reste qu'une seule mangue.
- Bon, alors banane pour moi, mais pas trop mûre.
- Monsieur goûte le vin ?
C'était ludique, frugal et pas cher. Ce moment délicieux vallait largement toutes les soirées en ville.
Nous terminions par une longue partie de rami.