i mon horloge physiologique s'en accomode, mon horloge psychologique n'est pas sur le même diapason avec le décalage horaire. Nous avons lui et moi un compte à régler. Comment être, l'un à l'ouest,
l'autre à l'est, au même moment à des heures différentes ? C'est cela qui me trouble :
au même moment à des heures différentes !
.
Cela n'arriverait pas si tous les peuples de la terre fonctionnaient avec la même heure. Il ferait nuit à 2 h le matin à Fort de France et jour à la même heure à Bordeaux. Il suffirait
de se souvenir qu'à 2h on dort à la Martinique alors qu'en Aquitaine on se réveille tout juste; alors basta le décalage horaire ! Et que dire de mon trouble quand cette étrange pensée s'étend
à l'univers entier ? Quelle fascination s'exerce sur ceux qui scrutent les années lumière de l'espace pour retracer les évènements à l'origine des mondes !
Mais laissons ces considérations planétaires et cosmiques pour une nouvelle journée martiniquaise.
Allons vers l'anse des Salines qui paraît-il est très agréable et très belle : une plage de rêve nous attend.
La voici grand angle, prise lors d'une longue promenade avec Julie le long de la grève. Lui aurais-je communiqué ce goût pour la marche sur le sable ? Cette occupation a quelquechose d'organique. Qu'il est bon de sentir par tous les pores du corps libéré, à la fois l'air marin, le souffle tiède de l'alizé, le murmure incessant des vagues et la chaleur du soleil ! Qu'il est bon de retourner à la mer quand les rayons se font trop ardents et de sécher en marchant, en rêvant, en étant soudain isolé du bruissement du monde par le simple choix d'un climat bienveillant dans une nature inviolée. Et dire qu'en ce mois de février d'autres s'échinent à l'est sur leurs devoirs dans les rigueurs de l'hiver au milieu de tristes paysages !
Bien qu'étant arrivés tôt, les abords de la plage étaient noir de monde. Des voitures partout et peu de place de parking. J'ai vu le moment où nous allions partir chercher ailleurs
une grève plus tranquille. C'est Jeanine qui en aurait été déçue pour nous, elle qui m'avait tant vanté la plage des Salines. Heureusement un espace assez grand pour loger la Corsa s'offrit
à nous. Sans les restes du décalage horaire qui nous avaient sortis du lit, nous ne l'aurions pas trouvée. Merci Air France...
La plage est tellement étendue que le monde des voitures s'éparpillait au long et atténuait considérablement l'impression de surpopulation. Nous avons trouvé notre place confortable, mi ombre, mi soleil
pour que ne soit pas trop brutale l'exposition de nos tendres épidermes.
Il faut se méfier de la verticalité du soleil tropical; il vous brûle la peau et vous gâche les vacances en quelques minutes.
Ce quidam avec sa tenue anachronique en a sans doute gardé un souvenir cuisant.
C'est incontournable : sur les plages antillaises il faut essayer des maillots de bain. La ronde des jolies vendeuses qui sont aussi mannequins passe devant nous. Le regard intéressé des jeunes femmes, Julie en tête, l'arrête. Commence alors la séance qui se terminera par un ou plusieurs achats.
Et Julie pourra enfin assortir son haut au bas
( N'était-elle pas venue à la Martinique dépareillée avec une arrière pensée ? )
tandis que Mamie, après de longues hésitations, prit celui qui est encore sur le sac.
J'ai validé son choix et me suis mis en quête d'un restaurant, pied dans le sable, vue mer.
Pied dans le sable, il n'y avait pas, sauf un espace où consommer seulement des sandwichs. Nous avons préféré déjeuner à l'arrière chez Suzette et, ayant conservé notre avance horaire,
nous y sommes arrivés assez tôt pour avoir une table confortable et être servi relativement rapidement. Un peu plus tard il y avait une file d'attente.
Qu'il est pénible d'attendre debout qu'un emplacement se libère ! Nous n'étions pas en Espagne où il y a toujours une nouvelle table à déployer dès qu'une famille affamée se présente.
Cette démarche n'a jamais été dans la culture antillaise.
Julie déjeuna d'un poulet grillé. Elle n'osa pas le boucané. Dommage ! Elle nous aurait fait goûter à nous qui ne l'osions pas non plus. Nous prîmes des crevettes accompagnées d'une sauce délicieuse,
spéciale Martinique. Inimitable, comme celle de l'Entrecôte à Bordeaux elle avait le pouvoir de rendre savoureux les produits les plus simples.
Pour regagner l'hôtel Cap Est Lagoon Resort & Spa, Aline avait décidé de nous faire passer par Le Marin. Mais Le Marin était encombré comme l'annonçait Michelin.
On doit toujours faire confiance à Michelin, pas seulement pour l'hébergement et la restauration mais aussi pour la circulation sur route et sur mer comme nous le verrons bientôt.
Nous rentrâmes par Le Vauclin.
La petite ville du Vauclin, dont on voit ici une vue d'ensemble, n'est pas particulièrement belle. Les villes de Martinique n'attirent pas autant que ses paysages. Elles paraissent le plus souvent endormies et peu désireuses de s'animer pour les touristes; l'agencement des quartiers y est compliqué et les consructions sans véritable caractère.
L'intérêt du Vauclin, c'est la Pointe Faula.
Pointe
n'est pas à prendre au sens breton qui suppose les marées, le vent, les déferlantes et la roche. Au contraire, ici tout est léger, paisible,
accueillant. Au loin est l'océan qui ne menace rien ni personne, devant est le lagon avec ses nuances incomparables de bleus et de verts et une courte langue de terre plantée de
cocotiers forme une avancée sur l'eau sur laquelle on a envie de s'installer jusqu'au soir. Ce n'est que cela la Pointe Faula, simplement beau !
Il nous fallait songer sérieusement au repas du soir et faire quelques courses rapidement pour être dans notre chambre avant la nuit. Au Vauclin deux superettes étaient ouvertes.
Dans la première nous n'achetâmes qu'un morceau de fromage, il mettrait un peu de diversité dans le menu de Julie. J'achetais aussi la carte postale promise à Jeanine.
Dans l'autre nous ne fîmes qu'entrer et sortir incommodés par l'odeur et la vétusté des lieux. Nous complétâmes notre panier au Carrefour de Le François.
Mais Julie manifesta sa contrariété en balançant le sac que nous avait gentiment donné le serveur à l'aéroport de Mérignac par dessus le comptoir
de la téléphonie. La demoiselle du téléphone, taquine, ne voulait pas le rendre à Julie.
C'est cadeau !
Il fallu beaucoup de diplomatie transatlantique pour que l'affaire ne tournât pas au conflit et beaucoup de discrétion pour que les papparazzi égarés dans la galerie marchande en quête de
scoop n'en fissent une affaire d'état. Gros titre dans Antille Soir :
Bouygues rachète SFR à la suite d'une bagarre dans un supermarché au François
Pour ne pas quitter Le Vauclin sur une impression négative, j'ai flashé sur cette chapelle,
ni gothique, ni romane, seulement martiniquaise.
Au menu de ce soir nous avons une nouvelle spécialité : le gruyère du Vauclin